Musée du lait de Belvedere - La Gordolasque - Vallée de la Vésubie, 06450 Alpes Maritimes - Côte d'Azur - France
C’est dans le haut pays niçois, au cœur d’un village surplombant
majestueusement la vallée de la Vésubie, justement nommé Belvédère, qu’est
blotti le musée de lait, jadis coopérative laitière. Ce musée regroupe
nombreux objets anciens traditionnels utilisés pour la production du lait
et de ses dérivés. Il vous propose de découvrir, à travers eux, la vie
d’antan et les usages de la vie pastorale de ce temps. C’est au sein de
ces paysages de pâturages alpins, aux portes du Mercantour que la
coopérative vit le jour, facilitant la production et la distribution du
lait. Cet aliment si répandu dans notre quotidien connaît aussi de
nombreux dérivés ; du fromage au beurre que l’on étale sur nos tartines.
Le fromage, est d’ailleurs aussi riche en variétés que les vins, et le
vocable utilisé pour le définir est aussi diversifié que celui des
œnologues. Aujourd’hui les méthodes utilisées ont évolué mais Belvédère
conserve précieusement ces ustensiles, précieux héritages du passé
intimement lié à la mémoire vivante d’un temps révolu.
La
coopérative Généralités L’élevage et la vie pastorale. L’automne est le temps des labours, on passe la raïre (l’araire) afin de retourner la terre des champs. Cette lourde pièce de bois, sur laquelle est placé un instrument en fer, profilé, crée ainsi les larges traces dans la terre meuble. Il faut la force des bœufs ou des mulets, pour labourer et l’adresse de l’agriculteur pour manier cet appareil. On y relie les bêtes grâce au joug (pièce ) dont la forme varie selon l’animal auquel il est destiné. En effet, on le place sur la tête des bœufs, et au niveau du poitrail des équidés, car ce sont dans ces parties de leur anatomie respective que ces animaux concentrent leur force, on optimise ainsi leur force de traction. C’est en mai, au son des picouns, les clarines que commence la transhumance Ce grand mouvement des troupeaux s’effectuait en deux étapes. On faisait halte sur des terrains de moyenne altitude, avec les bêtes, pendant quelques semaines, puis à partir du mois de juin, jusqu’au mois de septembre, les éleveurs confiaient leurs vaches à des gardiens « les vachers », qui les menaient dans les pâturages de haute montagne. Durant cette période d’été les hommes étaient ravitaillés chaque semaine en vivres composées essentiellement de pain, de petit salé, de farine de maïs et de pommes de terre. Les vachers assuraient la garde et l’entretien du troupeau. Ce travail demandait une présence constante, débutait dès deux heures du matin et ne leur permettait de prendre du repos qu’à partir de onze heures du soir. Les nuits sont fraîches dans les cabanes de haute montagne, situées à des altitudes proches de 1700 mètres et pour alimenter le feu, compagnon millénaire des hommes en quête de réconfort et de nourriture cuite à point, l’on coupait du bois à l’aide de scies dont les formes pouvaient varier. On compte notamment la serre et la troupilliero. Un ustensile en cuivre nommé chaufferette, dans lequel on plaçait des braises permettait de réchauffer les draps. Les vachers avaient également en charge le soin des bêtes et la récupération du lait produit durant cette période. Aussi, le matériel nécessaire à la fabrication du fromage et du beurre était transporté, soit grâce à des ânes, que l’on dirigeait par la bride de leur muraïe ou licol, sur des bast ou bâts , jusqu’à la vacherie, soit par les hommes. La fin de l’été arrivant, l’on calculait, selon les pesées de lait effectuées régulièrement, la quantité de fromage à rendre à chaque propriétaire. Les vachers étaient rémunérés en nature, prélevant une part de la production d’ensemble. Le retour des troupeaux donnait lieu à une grande fête, qui s’est perpétuée jusqu’à nos jours, où les villageois proposent de nombreux produits gastronomiques locaux : la fête du Rosaire ou retour des bergers. Aux champs, on laboure de nouveau, mais cette fois ci, avec des outils plus fins, les Magaïe, montés sur des manches de bois Durant l’hiver, les vaches mettent bas, c’est la période dite de vêlage durant laquelle les éleveurs gardaient leurs vaches dans les étables. Ils les nourrissaient de foin, fauché quelques mois plus tôt, ramassé à l’aide d’un râteau, lou rastel, d’une fourche et entreposé à cet effet, après avoir était transporté dans un Berrioun , filet constitué de deux morceaux de bois, reliés par des cordes tressées. La faux aussi nommée lou Daïe, qui conserve une forte image symbolique dans l’imaginaire et les superstitions, était un accessoire nécessitant un entretien régulier. Ainsi, on enfonçait dans un billot de bois prévu à cette intention, le pic de la marteleïre sur lequel est articulé un marteau. On usait de celui ci afin d’affiner la lame de la faux, que l’on affûtait ensuite à l’aide d’une pierre à aiguiser, ou « pierre à eau ». Celle ci devant nécessairement être mouillée pour ne pas abîmer la lame, on la conservait dans une corne emplie d’eau que l’on portait à la ceinture : lou cuiller. Proche cousine de la faux, tant par la forme que par l’étymologie, la faucille, ou « voulam » était aussi utilisée aux champs surtout pour les céréales (blé et seigle en altitude.) Le soin des bêtes était un souci quotidien, chaque jour d’hiver, les éleveurs s’occupaient de la traite de leurs vaches laitière, le matin et le soir. Assis sur un curieux petit banc à un pied unique, la banquetto , ils procédaient de la manière suivante : après avoir lavé les mamelles à l’eau tiède, ils les essuyaient délicatement, puis recueillaient aussitôt le lait qu’ils filtraient à l’aide d’entonnoirs puis, ils le stockaient dans des bidons qu’ils trempaient dans l’eau froide, en ayant pris soin de ne pas récupérer le liquide issu des premiers jets. Le soir, ils menaient leur production à la laiterie pour qu’elle y soit traitée. Et afin que ces fidèles nourricières ne manquent pas de confort, on les gratifiait d’un étrillage en règle à l’aide de L’estrillo , c’est à dire qu’on brossait les bêtes, de manière à les débarrasser de la boue séchée. estrillo Une fois à la coopérative, le lait était pesé dans des balances dites « romaines » ou Lou escandaïe et la quantité mesurée notée sur un carnet nominatif, afin de pouvoir rémunérer chaque éleveur en fonction de sa contribution. Une fois filtré, le lait était pasteurisé. Le processus de pasteurisation tire son nom du célèbre chimiste Pasteur, qui l’inventa en 1865 pour empêcher la fermentation du vin et du lait tout en conservant sa saveur et sa valeur nutritionnelle. Il consiste à chauffer le liquide à traiter entre 55 et 70°C pendant une demi-heure, puis en le refroidissant rapidement pour le conserver à une température inférieure à 10 °C. D’abord chauffé dans une chaudière alimentée en charbon, on refroidissait le lait en le déversant sur radiateur cylindrique rempli d’eau froide On trouve deux types d’appareils de refroidissement du lait. Le système plus moderne installé vers 1950 permettait de peser, puis filtrer le lait automatiquement avant qu’il soit aspiré par une pompe qui l’emmenait sur un radiateur à l’intérieur duquel circulait de l’eau froide, et parvenait dans une cuve où il était conservé une à deux journées, attendant le transport pour Nice. Le Beurre Le fromage Le brousse et la brousse, spécialités locales. Le petit lait est traditionnellement donné comme nourriture aux cochons, mais à Belvédère, on en conserve quelques tonneaux, afin de fabriquer le brousse, et la brousse, spécialités locales fort appréciées des résidants comme des visiteurs friands de mets de caractère. Au bout de quelques mois de repos, le petit lait devient aigre, et on y rajoute la présure pour cailler la brousse. Ce petit fromage est à déguster une fois salé est poivré, accompagné d’un bon vin. Le brousse, quant à lui, est obtenu après avoir fait tiédir et cailler le petit lait dans le chaudron. On récupère le caillé dès les premiers frémissement, puis on procède à l’égouttage comme pour la tome. On le placera ensuite dans un pétrin où il sera pétri à la main chaque jour pendant quelques semaines. Du temps qu’il demeurera en cave dépendra l’intensité de son parfum.
Et maintenant… Aujourd’hui l’industrie laitière s’est automatisée pour permettre une production plus importante, nécessitant moins de personnel. L’élevage des troupeaux est toujours effectué par des paysans, mais l’on trait les vaches à l’aide de trayeuses automatiques, et le nombre de bêtes par élevage a considérablement augmenté. Le lait et ses dérivés font l’objet de contrôles stricts. De plus en plus de fromages reçoivent l’Appellation d’Origine Contrôlée (AOC), garantissant leur origine. La France produit environ 23 millions de tonnes de lait par an, dont plus de 80% de lait de vaches. A Belvédère, il existe toujours une vacherie, et nous pouvons donc festoyer gaiement avec l’assurance que le brousse, la brousse et la tome resteront à l’honneur de nos menus montagnards ….
|