Monographie agricole de Roquebillière
établie de mars à juin 1948 par MATHIEU Emile

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IV - MÉTHODES EMPLOYÉES

Modes de faire valoir : 

a- le faire valoir direct est le système couramment employé. La famille paysanne exploite ses propriétés éparses sans aucune aide extérieure. 
b- Particularités locales pour le fermage et le métayage : La mise en congé est signifié aux intéressés 6 mois à l'avance. L'entrée en jouissance prend date au printemps ou en automne. Le propriétaire fournit les semences, le métayer apporte les instruments, le fumier et son travail. Le propriétaire assure l'entretien des canaux, le métayer se charge de l'arrosage et " remonte " les murettes effondrées. En ce qui concerne plus spécialement la question du bétail, le propriétaire confie au métayer une ou deux vaches. 4 années plus tard, le cheptel né est partagé. Depuis 1940, la pratique du métayage a subi une extension très nette, beaucoup de propriétaires habitant la ville, étant désireux de tirer un bénéfice de leurs terres abandonnées. On compte aujourd'hui, 200 propriétaires, 0 fermier, 40 métayers. 5% des contrats sont des baux écrits et 95% sont sous forme de conventions verbales.

Systèmes de cultures :

a- Les combinaisons culturales : habituellement, l'assolement est triennal : 
céréales -> pommes de terre ou haricots -> légumineuses fourragère. Deux cultures sont parfois associés sur la même sole : Maïs et haricots, Maïs et pommes de terre ou blé et trèfle. Les cultures destinées à la seule alimentation du bétail sont de faible importance. On compte peu de prairies artificielles et de culture purement fourragères. Le maïs lui-même est avant tout utilisé pour la consommation familiale.
b- Les cultures sont plus extensives qu'intensives : D'abord parce que l'exiguïté des terrasses se prête mal à la culture intensive, ensuite parce que l'on utilise peu les engrais complémentaires et que les méthodes de culture sont loin d'être rationnelles. Comment dans ces conditions, espérer obtenir de grands rendements !
c- Choix de productions : Il est guidé en premier lieu par les besoins familiaux. Il s'agit moins de produire pour la vente que pour subvenir à la consommation familiale. Si la conformation et le climat locaux s'y prêtaient, l'écoulement des productions ne poserait pas de grand problème, car Nice et ses 250.000 bouches à nourrir, n'est pas très éloignée. Mais dans les conditions physiques existantes ce n'est là qu'une supposition gratuite.
d- Conclusions : Certes, la grande production n'est que pure utopie, mais les rendements peuvent être sérieusement améliorés, surtout si le paysan comprend la nécessité de porter le maximum de ses efforts dans l'élevage et l'arboriculture fruitière, réalisant ainsi un commencement de spécialisation. Les rendements peuvent également être améliorés en bannissant la culture de produits différents sur une même planche, en appliquant le principe de la culture améliorante, en usant de la pratique des engrais verts, en remédiant à une fumure parfois déficiente, par la substitution de l'assolement quadriennal au triennal faisant apparaître ainsi une prairie artificielle entre le blé et le maïs. L'amélioration des rendements est fonction de ces quelques observations. Atteindre des méthodes de culture plus rationnelles que les pratiques routinières actuelles, tel doit être l'idéal du futur agriculteur lorsqu'il quitte l'école. Et c'est à nous éducateurs qu'il appartient de dispenser la lumière dans le cœur des jeunes ruraux.

V - LA PRODUCTION 

A- PRODUCTIONS VÉGÉTALES 

1/ MISE EN PRODUCTION DU SOL 

a- Amélioration foncières : - Collectives : Nous venons de voir que le remembrement tellement utile à l'augmentation des productions et à l'allègement des peines du cultivateur est chose quasi impossible. Notons encore que le démembrement par héritage cause aujourd'hui moins d'individualité qu'autrefois. En effet, dans la plupart des familles un enfant quitte la terre pour aller s'établir à la ville, abandonnant sa part à ses frères cultivateurs. L'assainissement du sol ne pose pas de problème important. Quoique les terres soient souvent très argileuses, aucun drainage ne s'impose en raison des fortes pentes et la disposition en terrasses. L'irrigation est chose absolument primordiale par suite de la sécheresse des étés et le système actuel des canaux d'arrosage mérite tous les soins qu'on lui porte. On pourrait limiter les dégâts causés à ces canaux par les éboulements qui sont fréquents, en les cimentant et en les couvrant, tout au moins dans les passages où se produisent les éboulis. Mais ces travaux déjà entrepris pour le canal du Caïre nécessitent de grandes dépenses. On gagnerait aussi à reboiser certains terrains incultes qui sont difficilement irrigables et accessibles. Actuellement on coupe beaucoup mais on plante peu. On devrait mettre en honneur la formule : " j'abats un arbre, j'en plante trois ". Individuelles : Deux propriétaires voisins en deux quartiers différents auraient intérêt à échanger des parcelles de même valeur, comme on l'a vu à propos du " regroupement de la propriété ". Depuis 1940 on a défriché des terres inexploitées jusqu'alors. Actuellement on ne trouve plus de jachères. Mais le sol est insuffisamment défoncé (30 cm au maximum). L'aménagement de certains sentiers s'impose. Ils sont en général trop étroits, trop accidentés et rendent difficile et pénible aux hommes et aux animaux l'accès des terres et pâturages auxquels ils conduisent. On plante souvent des arbres fruitiers en bordure des terrasses et au dessus des murettes de soutènement, ce qui est gênant s'il y a mitoyenneté, et ce qui détériore ces murs de pierres sèches. 
b- Travail du sol : Nettoyage : Il est facile à réaliser sur ces planches de superficie réduite. Les différents sarclages permettent de détruire les mauvaises herbes et le système de rotation (plante nettoyante succédant à une plante salissante) aide également au nettoyage du sol. Les procédés chimiques ou la jachère ne sont pas employés. Enfin, l'épierrage est insuffisant. Ameublissement : Il est obtenu par les labours du printemps et les quasi labours de l'automne. On défonce d'abord pour nettoyer. Les herbes sont arrachées, entassées en brûlots et non enfouies. On repasse ensuite pour enterrer le fumier, émietter et égaliser. Les labours sont exécutés à la houe de 3 ou 4 dents. Quelquefois, sur les planches les plus étendues on procède d'abord à un labour superficiel de 20 cm environ, à l'aide d'une petite araire tirée par un mulet. Ce labour est exécuté irrégulièrement et on repasse ensuite à la houe à dents. Dans les sols les plus argileux, on ne peut labourer que 7 ou 8 jours après les pluies. Améliorations : L'usage de la charrue et de la herse pourrait être généralisé au moins dans les grandes planches. Il allégerait considérablement la tâche du laboureur. On devrait aussi augmenter la profondeur des labours, et les effectuer plus tôt, avant les grands froids qui par le gel ameublissent les sols trop lourds. Enrichissement du sol : On utilise guère que le fumier de ferme auquel on ajoute parfois des composts sommairement préparés avec les ordures ménagères, les cendres, etc. L'engrais humain ignoré au nouveau village est encore précieusement recueilli au Vieux et il est utilisé pour les cultures potagères. Les engrais chimiques sont de plus en plus populaires. La coopérative en multiplie les commandes depuis 2 ans. Il s'agit surtout d'engrais complets et d'engrais potassiques. Le fumier est employé à raison de 200 kg à l'are. Les doses répandues pour les engrais sont bien souvent fantaisistes. Les fumures sont surtout enfouies au moment des grands labours du printemps. En raison de la nature du sol, peut-être vaudrait-il mieux, labourant plus profondément en automne, les enfouir à ce moment. L'épandage du fumier en couverture sur les prairies naturelles est à éviter. L'aménagement de fosses à purin permettrait d'utiliser ce produit dans ce genre de fumure. On commence à répandre des super phosphates et des engrais complets en hiver. Il est à souhaiter que l'on donne aux paysans et dans un bref délai, une connaissance plus approfondie de la nature, des qualités et de l'emploi des engrais chimiques. 

2/ PROTECTIONS DES CULTURES 

a- Contre les intempéries : On protége seulement de la gelée certains légumes, au moyen d'écrans de branchages, de paille, de tiges de maïs. Aucune autre culture n'est à protéger contre le froid, puisque seul le blé occupe la terre en hiver. Le relief protège suffisamment contre le vent d'ailleurs rarement violent. Rien n'est prévu pour prévenir les dégâts occasionnés par la grêle. 
b- Contre les ennemis animaux : On ne débarrasse pas les prairies des taupes qui en dépit d'une irrigation importante réapparaissent toujours. Les rongeurs ne posent pas de problème particulier, car l'hiver rigoureux empêche leur trop grande multiplication. Le doryphore commence à envahir les cultures de pommes de terre depuis 2 ans et la commune est organisée pour ce genre de lutte. Les insectes parasites des jardins et vergers peuvent vivre en toute quiétude. Jusqu'ici on n'a pas fait grand' chose pour les détruire. C'est ce qui explique le fort déchet que l'on enregistre dans la production fruitière. On commence cependant à effectuer quelques traitements avec des pulvérisateurs à dos. Mais avec ce genre d'appareils, ces traitements ne peuvent être qu'insuffisants. 
c- Contre les ennemis végétaux : Aucune mesure n'est prévue pour débarrasser les prairies de leurs plantes parasites (colchiques, joncs, renoncules et surtout mousses). L'emploi des scories améliorerait notablement les récoltes fourragères. Le bois des arbres fruitiers est suffisamment propre pour pouvoir se passer d'un traitement spécial. Les semences ne sont pas toujours soigneusement nettoyées. L'assolement favorise la destruction des mauvaises herbes que le cultivateur prend soin également de brûler. Binages et sarclages sont efficaces, mais on ignore tout ou presque de l'emploi des agents chimiques. 
d- Conclusions : Qu'il s'agisse du blé, des pommes de terre, des arbres fruitiers ou des cultures potagères on applique rarement un traitement approprié contre les maladies et les parasites. Le plus souvent on se contente d'une unique pulvérisation à la bouillie bordelaise ou avec une simple solution de sulfate de cuivre. Parfois on badigeonne les troncs des arbres au lait de chaux. Quelques rares initiés utilisent le volk nicotiné que leur vend la coopérative. Il serait souhaitable que l'école saisonnière d'arboriculture fruitière ouverte en décembre 1947 par les services agricoles, connaissent d'autres sessions dans les mois à venir. Une éducation complète est absolument nécessaire dans ce domaine.

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