LES
CULTURES
A
– le jardin de la ferme
La
plupart des jardins se situent encore aux alentours du vieux village,
sur des terrains d’alluvions riches en humus également. Mais le
cultivateur n’attribue jamais au jardin une grande importance, ni
beaucoup de soins. C’est en général la femme qui s’en occupe, le
mari se chargeant des travaux plus pénibles des champs. Il faut compter
une moyenne de 3 ares pour un jardin familial.
Au nouveau village, autour des maisons d’habitation, aucun emplacement
n’a été prévu pour le jardin, en sorte qu’il est impossible à
l’agriculteur de surveiller ses légumes et semis, puisque son jardin
se trouve soit au vieux - village, soit dans une ‘campagne’, dans
tous les cas à un bon kilomètre de sa demeure, ouvert à tout venant,
sans aucune clôture pour en interdire l’accès.
Aucune organisation rationnelle ne préside. L’assolement méthodique
n’est pas prévu. Les planches sont rarement aménagées. Ici encore,
il n’y a pas eu d’éducation. Cependant on compte, surtout parmi les
retraités, quelques bons horticulteurs qui obtiennent des résultats
satisfaisants dans des jardins bien divisés et bien entretenus.
Les légumes produits sont peu variés. On cultive surtout : choux,
navets, bettes, tomates, poireaux, oignons, courges, pois, fèves,
haricots.
Les arbres fruitiers n’ont aucune place dans le jardin. Ne connaissant
que les formes hautes, le cultivateur redoute leur ombre pour les
productions horticoles.
Les fleurs : le plus souvent absentes, elles consistent en
chrysanthèmes lorsqu’on en rencontre, fleurs qui iront orner les
tombes le jour de la Toussaint.
Les améliorations souhaitables dans ce domaine sont encore nombreuses :
à savoir la rotation des cultures, une production de semences à sélectionner,
une circulation aisée à l’intérieur du jardin, par l’aménagement
de sols sensiblement égales, elles-mêmes divisées en planches.
B
– Cultures de plein champ
1/
cultures pérennes
Prairies
de fauches :
Au fond de la vallée, à proximité du torrent, donc
facilement irrigables. Occupant des terrains peu favorables aux cultures
alimentaires, leur étendue est sensiblement invariable. Une légère
diminution notée depuis 1940, provient des prairies sises sur les
plateaux du Plan Gast et de Berthemont, que l’on a transformées en
labours.
Dans ces prairies, les graminées l’emportent de très loin sur les légumineuses.
(ces dernières figurent pour 1/6 environ).
Tous les travaux sont exécutés à la main. Après le fanage, le foin
est le plus souvent entassé dans les ‘granges’
ou quelquefois sur la prairie même, autour d’un mât et isolé
du sol par des fagots. Le transport du foin se fait dans un filet de
corde à larges mailles (Lou bérioun) dans lequel on peut en entasser
une soixantaine de kilos.
Les
soins d’entretien se bornent au nettoyage des canaux et des rigoles
d’irrigation, et au râtelage des feuilles mortes en hiver. L’étaupinage
n’est pas pratiqué. On ne fume pas toujours et on se contente
d’épandre le fumier en couverture pendant l’hiver. On commence à
user d’engrais chimiques.
Améliorations :
hersages plus fréquents et plus efficaces. Emploi de terreaux,
composts, purin dilué et engrais. Tous les 2 ou 3 ans, scories (800 kg)
et sylvinite riche (500 kg). Salage du foin, surtout les années où on
l’engrange encore humide. Fauchaisons plus hâtives (ne pas attendre
la fin de la floraison) Meilleur aménagement de l’irrigation. Ne pas
laisser paître dans les prairies de fauches, lorsque le sol est détrempé
afin d’éviter les innombrables trous que peuvent creuser à ce moment
les sabots des vaches. L’élevage constituant sinon la majeure, du
moins une fraction importante des revenus du paysan, celui-ci devrait
s’appliquer à obtenir un rendement maximum dans ses prairies.
Pâturages
– Pacages :
Ils
se situent sur les montagnes qui dominent le village : Siruol et Férisson
entre 1500 et 2000 m. Dans le langage local, on les désigne sous le nom
de ‘vacheries’. Ils appartiennent à la commune qui les loue pour la
saison par voie d’adjudication. La vacherie de Siruol peut abriter 70
vaches laitières dans des baraquements nouvellement construits, tandis
que celle de Férisson qui reçoit 90 laitières et plus d’une
centaine de génisse n’a aucun abri. Ces alpages sont desservis par
des sentiers trop accidentés, qu’il faudrait améliorer pour éviter
aux hommes et au bétail, un excès de fatigue préjudiciable au
rendement.
La flore varie avec l’altitude : on y rencontre toutes les graminées
courantes qui constituent une herbe de bonne qualité, mais hélas, le
tapis vert est irrégulier. Bien souvent il dépérit sous l’action de
la sécheresse trop intense. La période de l’alpage dure du 1er
juin au 15 septembre. On fait paître d’abord les quartiers les plus
bas et on s ‘élève progressivement.
Les seules améliorations possibles sont l’aménagement de
baraquements, d’abreuvoirs et l’amélioration des chemins d’accès.
Cultures
fruitiers :
Les
principales sont celles du pommier, du poirier, du cerisier, du pêcher,
du figuier, du noyer, du châtaignier.
-
caractères
généraux : Cultures réduites pour ce pays où elles réussissent
particulièrement bien. Il est vrai que la superficie cultivable est
elle-même réduite et que sa disposition en terrasses se prête mal aux
plantations.
Actuellement,
on plante beaucoup d’arbres, mais la préparation du sol est
insuffisante (défoncement trop faible du sol) et les arbres sont trop
rapprochés. On greffe peu et sans méthode sur franc (variétés
locales). La taille est peu pratiquée ; on en connaît rarement
les principes (on élague sommairement). Les formes des arbres sont irrégulières,
mal équilibrées avec des charpentes à plus de 1m 50. Des progrès ont
cependant été obtenus ces toutes dernières années, grâce à
l’effort constant des services agricole. Pas de fumure particulière
autre que celle qui est fournie aux cultures établies sur la planche.
Les arbres des prairies ne sont même pas fumés du tout. La lutte
anti-parasitaire et anticryptogamique est négligée (quelques progrès
cependant)
-
Variétés :
essences essentiellement locales = rustiques.
Pommier : Calvi ou Calville, api,
court pendu plat, platée, variétés importées depuis une cinquantaine
d’années : Reinette du Canada et Calville blanche.
Les principaux ennemis sont : l’anthonome, quelquefois le zeuzère,
le Cassus, l’hyponomeute, le ver des pommes, les pucerons et la
tavelure. Ils sont rarement combattus et toujours sans grande efficacité,
car on opère au printemps avec la bouillie bordelaise ou une simple
solution de 504Cv. C’est pourquoi les fruits sont fréquemment
véreux. La récolte se fait en septembre – octobre. Le
rendement est variable et très irrégulier. Les beaux fruits sont
rares. Dommage, car les pommes sont excellentes et bien parfumées.
Conservation difficile.
Le pommier semble être ici dans son pays d’élection. Il y a peut-être
dans la production des pommes, matière à spécialisation pour le
paysan et il le comprendrait certainement, si au moment de la vente il
retirait un prix honnête de sa marchandise, au lieu d’être
honteusement exploité par toute une pléiade de revendeurs en fruits et
légumes.
Poirier : Les quelques variétés que
l’on rencontre sont de ‘hautes - tiges’ que l’on cultive, ou
mieux que l’on a laissé pousser en plein vent. Un certain nombre de
‘demi – tiges’ ont été introduits depuis peu. La bonne Louise et
la Williams dominent.
Figuier : La variété la plus répandue
est la ‘Col de dame’. Le figuier réussit bien sur les versants qui
jouissent d’une bonne exposition, mais on le néglige complètement.
Les figues sèches sont appréciées en hiver, aussi voit-on à la fin
de l’été de très nombreuses claies sur les balcons et terrasses
ensoleillés.
Prunier : cet arbre qui fait la fortune d’un hameau de Lantosque :
St Colomban est assez répandu à Roquebillière (Perdigane, Reine
Claude)
Châtaignier : Il est moins commun à
Roquebillière que dans les communes voisines . Qualités les plus
courantes : Tempourive et marron. La conservation des fruits se
fait par dessiccation au soleil. La consommation des châtaignes sèches
dans les soupes au lait est une coutume. Les fraîches sont appréciées,
rôties ou bouillies, au cours des longues veillées en hiver.
L’exportation est faible.
La vigne : Elle occupait, voici 50
ans, 1ha 64. Elle ne couvre plus aujourd’hui qu’une centaine
d’ares. La Framboise ou Isabelle est à peu près le seul cépage
cultivé. Quelques propriétaires fabriquent un peu de vin, en ajoutant
à leur Framboise des raisins qu’ils achètent sur le marché de Nice.
Les autres réservent pour leur consommation familiale, les grappes qui
échappent aux innombrables razzias des maraudeurs.
L’olivier : Très cultivé
autrefois, on l’abandonne petit à petit à cause de la faiblesse de
la production (nous ne sommes pas très loin de sa limite de culture) et
malgré la pénurie actuelle des matières grasses. Il occupe les pentes
bien exposées. La variété la plus commune est le cailleter
(dimensions moyennes : 5 à 6 mètres) Le couvert est plutôt
dense. Les olives, pendantes, moyennes ou petites donnent une excellente
huile jaune pâle, brillante et fine. Elles sont également consommées
en salaison dans l’eau. On taille, mais trop abondamment et seulement
toutes les cinq années, ce qui retarde beaucoup la remise en production
des arbres. Ici encore, le paysan ignore tout d’une taille rationnelle
de l’olivier. La fertilisation est absolument négligée. L’arbre bénéficie
uniquement des fumures fournies aux cultures voisines. Il en va de même
pour les labours et le désherbage.
La récolte a lieu de la fin Janvier à la fin Mars. On étend des
toiles sous l’arbre et on gaule. L’oliveraie dans la commune, se présentant
sous une forme plutôt sporadique, la production d’huile est peu
importante et ne satisfait même pas la consommation familiale. Beaucoup
de paysans, pour compléter cette récolte, échangent du maïs contre
l’huile des pays de la basse Vésubie qui tirent de cette denrée leur
unique richesse.
Bien que la commune soit voisine de la limite de culture de l’olivier,
les paysans pourraient, s’ils le voulaient, se suffire en huile. Il
faudrait pour cela, régénérer les vieux arbres, en planter de
nouveaux, pratiquer une taille et un nettoyage rationnels (tous les 2
ans), quelques labours et fumures indispensables.
-
Améliorations
dans la culture fruitières.
Il serait absolument nécessaire de régénérer les vieux arbres par
une taille progressive et par la sur greffe. Il faudrait également :
° Surveiller la production des jeunes arbres et l’augmenter, en
taillant régulièrement et rationnellement.
° Introduire des variétés nouvelles et avantageuses (par exemple :
calvilles blanches et reinettes du Canada pour les pommes)
° Fumer convenablement et désinfecter le sol.
° Éviter de planter de nouveaux arbres sur le bord des murettes, mais
les placer au contraire en contre bas.
° Adopter des formes moyennes pour les terrasses étroites.
° Mener une lutte serrée contre les parasites animaux et végétaux.
Il est à souhaiter que le cultivateur persiste dans le développement
de la culture fruitière, voie dans laquelle il semble s’être engagé
depuis 2 ans. Il y trouvera un revenu appréciable et relativement
facile si les acheteurs – revendeurs de fruits renoncent à
s’octroyer la part du lion soit de leur propre volonté, soit qu’on
les y oblige.
Les
forêts et les bois
Ils occupent une superficie voisine de 950 ha. Les travaux de
reboisement entrepris en 1895, sont actuellement arrêtés. Les
particuliers et la commune elle-même, ont tendance à trop déboiser.
Les essences varient avec l’altitude : à 600 mètres, chêne,
noisetier, robinter, châtaignier.
Au-dessus, dans les quartiers bien exposés, pin noir d’Autriche,
sapin, pin sylvestre. Plus haut, épicéa. Enfin, vers 2000 m : mélèze.
Les propriétés de l’état et de la commune, au total 850 ha sont
soumises au régime d’exploitation forestière prévu par la loi. Les
propriétés privées, soit 370 ha n’y sont pas soumises.
Roquebillière est la commune la moins riche en forêts de toute la vallée
de la Vésubie. Le bois exploité est utilisé pour le chauffage et pour
la construction (charpentes, menuiserie) Il est vendu sur pied par
adjudication, débité dans les scieries locales ou exporté vers Nice
en grumes.
Améliorations : Il existe sur le territoire communal, de
nombreux terrais ravinés par les forces d’érosion, qui nécessiteraient
un aménagement suivi d’un reboisement. Mais ils appartiennent à des
particuliers qui ne veulent pas les vendre à l’état ou exigent un
prix excessif.
Le chemin de la Maluna entre Venanson et Roquebillière, s’il était
construit favoriserait grandement l’exploitation de la forêt la plus
importante.
Enfin, l ‘éducation forestière des populations reste à faire.
L’école peut et doit être donner aux jeunes cette formation.
2/
Cultures temporaires
Il n’est pas possible actuellement de donner les superficies même
approchées des différentes cultures, ainsi que les quantités récoltées.
Pour réduire leurs impositions, les paysans déclarent des chiffres très
inférieurs à la réalité.
Cultures
alimentaires :
Les principales sont celles du blé, du maïs, de la pomme de terre, des
haricots et de quelques légumes de plein champs : poireaux, choux,
navets.
Le
blé :
En recul jusqu’en 1939, la culture de cette céréale de premier plan,
connaît depuis lors une extension constante. Les variétés indigènes
sont rustiques (ex : touzelles) et par suite s’accommodent fort
bien du climat et du sol locaux. Conséquence normale de cette rusticité
très poussée, il est difficile de reconnaître sans coup férir, les
variétés d’origine. Une variété nouvelle, introduite par les
services agricoles s’est révélée avantageuse : il s’agit du
préparateur Etienne.
Dans
l’ensemble, les blés donnent d’assez bons rendements ici à
Roquebillière, car les sols argilo – calcaires leur conviennent le
mieux.
Leur place dans l’assolement vient en général après les pommes de
terre ou les prairies artificielles et avant une autre céréale (le Maïs)
La préparation du sol se fait au moyen de la houe à dents. Les labours
sont à peine moyens, le plus souvent superficiels. Heureusement ils
sont faits à la suite d’une récolte de pommes de terre, ou d’une
autre plante sarclée. Aucune fumure n’est fournie au blé, après une
plante sarclée. S’il vient en tête de la rotation il reçoit des
doses moyennes de fumier. Les engrais sont rarement utilisés, à cause
de leur prix élevé.
Le choix et la préparation des semences se fait de la façon suivante :
On bat à part les plus beau épis des meilleures parcelles. Les grains
sont vannés et criblés ou passés au tarare. Le sulfatage et le
chaulage sont peu pratiqués, car les blés de l’année sont peu
sensibles à la carie.
Les semis se font à la volée, 150 à 200 kg de grain à l’ha. En général,
les tiges poussent trop serrées. L’enfouissement se fait à la houe,
quelquefois au râteau. Le roulage est une méthode inconnue. Les
semailles ont lieu dans le courant du mois d’octobre. Les soins
d’entretien consistent en un ou deux sarclages et arrachage de
mauvaises herbes envahissantes.
Les accidents en cours de végétation sont la verse et l’échaudage (étés
précoces et secs). La rouille apparaît les années où le printemps
est d’une humidité très accentuée. Le charbon, la carie, les
insectes et autres parasites des céréales, sont rares ici. La récolte
s’étend du 15 juillet au 15 août. Les tiges sont coupées à la
faucille, liées en gerbes qui sont groupées en moyettes. Le séchage
qui dure 3 ou 4 jours, se fait sur le champ lui-même. Les épis sont
battus au moyen d’un fléau, sur une dalle de pierre. Ceux qui se sont
détachés du chaume, récupérés grâce à des sacs étendus sur le
sol de la grange, son battus à part, u fléau. Le blé est ensuite passé
au tarare et quelquefois lavé et séché au soleil.
Les rendements sont variables : 10 à 14 quintaux à l’ha.
s’ils ne sont pas meilleurs, cela tient surtout à l’ignorance des
façons de cultures.
|