Monographie agricole de Roquebillière établie de mars à juin 1948 par MATHIEU Emile - 06 Alpes Maritimes - France
Monographie agricole de Roquebillière établie de mars à juin 1948 par MATHIEU Emile - 06 Alpes Maritimes - France

 
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B        PRODUCTIONS ANIMALES

1-    Espèces animales exploitées :

246 vaches laitières
82 génisses            
4 taureaux

160 chèvres
22 moutons
100 porcs environ
20 ânes
13 mulets
1 cheval

Petit élevage : environ 1800 poules et 1000 lapins

2-    La Basse-cour : 

On élève à peu près exclusivement des poules. Une tendance se dessine en vue d’une augmentation sensible du nombre des individus ; cela pour palier à la cherté de la viande de boucherie que le paysan local consomme aujourd’hui en plus grande quantité qu’avant la guerre.

         On élève aussi quelques canards. 

t Les races :

          La Leghorn domine depuis le retour au village en 1940 de la population évacuée aux environ de Grasse pendant la guerre. Lors de la reconstitution des basses-cours, des nombres importants de Leghorns ont été achetées à des éleveurs de la côte. On trouve aussi quelques représentants d’autres races : Bresse noire, Rhodes Island.

         Malheureusement, ces races pures ne se sont pas conservées longtemps : l’abâtardissement a été rapide, car on se désintéresse à peu près complètement des questions de sélection et de consanguinité.

          t Les parquets :

          Ils sont souvent mal exposés et aérés ; de dimensions insuffisantes ; mal divisés et aménagés (mangeoires et abreuvoirs de fortune). Ils sont rarement blanchis, nettoyés et désinfectés.

          t L’alimentation :

          Elle est peu rationnelle et mal adaptée à la production des œufs et à celle de la viande. Elle est distribuée irrégulièrement. Les types de rations sont variées : on donne des pâtées à base de pommes de terre, de son et de maïs. La verdure est nettement insuffisante lorsque les volailles ne sortent pas.

          t Améliorations :

 Il conviendrait d’exposer le poulailler à l’est, sur un terrain sec ; de le protéger contre les vents et les sautes de température ; de l’aérer suffisamment (grillage sur 1 côté) ; de prévoir un parcours (ainsi, tout en laissant sortir les bêtes, les cultures seraient garanties.

On aurait également intérêt à élever des races, qui outre une bonne ponte, donnent également une viande estimée (Bresse, Rhodes Island, Sussex). La Leghorn n’est avantageuse que pour les œufs.

Il faudrait aussi s’efforcer de conserver la race pure : en sélectionnant les meilleurs sujets pour la reproduction, en renouvelant les reproducteurs tous les 3 ou 4 ans, pour éviter la consanguinité.

Il est également souhaitable que l’on apporte plus de soins dans l’entretien et l’hygiène des parquets (blanchiment au lait de chaux tous les ans, lavages fréquents), que l’on introduise des poudrois, pondoirs, abreuvoirs et augettes bien conçus.

L’alimentation des volailles gagnerait à être plus riche en albuminoïdes lorsqu’on la destine à des pondeuses, et plus rigoureusement calculée (60 g de graines par tête et par jour). En hiver, la pâtée donnée chaude le matin, hâterait le début de la ponte.

Enfin, on aurait intérêt aussi à mettre des œufs en conserve, au moment  de la plus grande ponte (Mars Juin). Bien que cette production soit presque entièrement réservée à la consommation familiale.
 

3-    Le clapier :

          Il s’agit encore d’élevage familial. Lui aussi, tend actuellement à s’accroître en raison de la pénurie de viande.

         Les quelques lapins de races introduits en 1940 lors de la reconstitution des clapiers, se sont rapidement abâtardis, par des croisements faits au hasard.

         Les différentes cases du clapier sont étroites, obscures, mal aménagées, rarement nettoyées et désinfectées. Quelquefois, les lapins sont en liberté dans une ancienne étable. De toutes façons, la lumière et l’air manquent.

         Très rares sont les clapiers bien exposés, divisés et entretenus. Celui de la coopérative scolaire, construit ces temps-ci sur un plan un peu différent des modèles courants, mais pratique également, doit servir d’exemple.

         Les lapins sont presque exclusivement nourris de verdure et d’épluchures de légumes. Seule, la mère qui allaite, reçoit une pâtée de son. La coccidiose saigne abondamment le peuple des lapins.

         t Améliorations :

         Donner au clapier des dimensions suffisantes :

pour la mère : 1m X 0,60m, pour le lapin à l’engrais : 0,60m X 0,30m, pour les lapereaux : 4 m pour 10. Hauteur : 0,50m.

         Lui donner également de l’air et de la lumière, un sol sec et sain (nécessité des caillebotis).

         Introduire un mobilier qui évitera le gaspillage de la nourriture (râtelier, augette, abreuvoir).

         Renouveler plus souvent la litière.

         Désinfecter mensuellement à l’eau de javel ou au Grésil, badigeonner au lait de chaux, ébouillanter le mobilier.

         Construire un parc lorsqu’il y a possibilité.

         Donner une alimentation à la fois sèche et humide = prévoir 2 repas par jour : le matin, aliments secs ou pâtées ; le soir, aliments verts ;

         Apporter plus de soin à la reproduction : éliminer les sujets trop vieux (plus de 3 ans) ou mal conformés. Ne pas mettre les sujets reproducteurs en contact, s’ils sont trop jeunes (avant 8 mois). Au bout du 3ème mois après leur naissance, séparer les lapereaux mâles des femelles.

4-    Autres petits élevages :

         L’apiculture serait possible et d’un bon rapport. Quelques initiés l’ont compris et ont installé des ruches dans des quartiers bien exposés où l’hivernage est possible.

         La Coopérative Scolaire vient de recevoir une ruche des services agricoles. Avec une autre, acquise antérieurement, elle va pouvoir développer ses ressources par la vente de miel.

5-    Les Bovins :

          Les effectifs peuvent être considérés comme stables. En effet, ils sont en rapport avec la production des fourrages et celle-ci est à peu près constante (on ne fait pas grand chose pour l’améliorer). On préfère en outre vendre le lait et on élève peu de veaux.

          t Les Races :

          On trouve un bétail tacheté rouge (Montbéliarde) ou tacheté brun (tarentaise). Quelques vaches d’un rouge tacheté de blanc (« La marquetta ») représentent encore un type local ancien très rustique. Comme dans les petits élevages, l’abâtardissement est ici courant malgré les mesures prises par les services agricoles qui, il y a une dizaine d’années de cela, avaient importé des reproducteurs de race tarine et attribué des primes d’encouragement pour la bonne conservation et l’entretien des meilleurs animaux.

                    La tarentaise est bien adaptée à la vie en montagne. Sa production laitière annuelle est d’environ 2000 litres, sa viande de bonne qualité ; Elle pèse de 400 à 500 kg. Sa robe est couleur froment avec le tour des yeux, des oreilles, l’extrémité des cornes (type abaissé), des sabots et du mufle noirs.

                    La montbéliarde a une robe pie-rouge (blanc à la tête, aux membres et à la queue). Le mufle est rosé, les cornes et les onglons sont blancs. Elle pèse de 500 à 650 kg et produit 2500 à 3500 litres de lait par an.

                    La marquetta est un peu du même type que la précédente :acajoue-pie (rouge dominant). Elle donne 2200 à 3000 litres de lait.

          t Observations :

          Pour le choix du taureau, on fait de plus en plus attention à sa bonne conformation, mais on se soucie peu de sa race. L’éleveur cherche surtout à remettre les vaches en lactation, sans vouloir uniformiser le type des animaux. On aurait intérêt à élever quelques bons mâles pour la reproduction. La monte, lorsqu’elle a lieu aux pâturages est souvent le fait de mâles trop jeunes (une quinzaine de mois), c’est ce qui explique la réduction de taille des vaches en montagne.

L’époque de la monte s’étend de Novembre à Mars, en vue de la production de lait l’hiver suivant : c’est également la bonne période pour l’écoulement du lait vers Nice.

Si certaines vaches sont mises trop jeunes à la reproduction, on conserve inversement des bêtes trop âgées qui ne produisent plus assez.

         t Exploitation :

         Visant la vente maximum du lait, le cultivateur éleveur met souvent un terme anticipé à l’allaitement des veaux. Sans conséquence grave pour les veaux destinés à la boucherie, cette mesure présente un sérieux inconvénient pour les veaux femelles qui seront conservées. Seul est pratiqué l’allaitement naturel. La traite est faite à la main. La régularité des repas n’est pas toujours observée.

         t Alimentation :

         Pas assez riche. Les légumineuses sont en quantités insuffisantes dans les fourrages verts ou secs. Les rations ne sont pas seulement mal composées mais parfois réduites par suite des ressources limitées de l’éleveur. Lorsque la vache allaite, on lui donne en plus du fourrage des farines (d’arachide par ex) ou des tourteaux. Courges et betteraves sont mangées en hiver.

En général, l’abreuvoir consiste en une source voisine de l’étable (car les vaches sont dans les étables des maisons de campagne) et l’eau absorbée par le bétail est trop froide.

         t Soins d’entretien :

         L’hygiène des animaux et des étables laisse à désirer. Le cubage d’air est insuffisant (dans la plupart des cas, moins de 10 m). L’aération et l’éclairage sont très imparfaits (la fenêtre est souvent symbolisée par une petite ouverture dans la muraille).

         Le sol est très rarement bétonné et le purin non recueilli. La litière est trop longtemps conservée en place. Les badigeonnages à la chaux, lorsqu’ils sont pratiqués sont espacés sur plusieurs années et la désinfection des locaux n’est pas assurée.

         t Les produits :

         Leur vente représente la majeure partie des revenus des paysans de la commune.

 Le lait :

         Production moyenne par tête et par an = 1700 litres.

         Production totale annuelle livrée à la consommation :

                   -avant la guerre = 270 000 litres

                   -en 1943 = 80 000 litres

                   -en 1947 = 60 000 litres

 

         La traite est souvent insuffisamment précédée des soins les plus élémentaires d’hygiène. Les mamelles et surtout les trayons sont à peine nettoyés. On ne se lave pas toujours les mains avant de traire. Les récipients qui servent au transport du lait ne sont pas d’une rigoureuse propreté.

Autant de mauvaises habitudes qu’il convient de redresser.

Tous les soirs, les producteurs, le bidon sanglé sur le dos, apportent leur lait à la Coopérative laitière ou à un laitier revendeur.

Par ces 2 organismes, coopératif ou privé, le lait est expédié chaque matin à la Centrale laitière de Nice, en bidon de 50 litres.

 Beurre et fromage :

          Tous les propriétaires d’au moins une vache savent fabriquer le beurre dans la baratte rustique ainsi qu’un fromage appelé « tome ». Ces 2 produits sont uniquement réservés à la consommation familiale.

         En été, lorsque les vaches sont groupées dans les alpages, le lait est transformé sur place (fromages de 5 à 10 kg). C’est l’adjudicataire de la vacherie qui prend cette entreprise à son compte. Une partie de la production est livrée au ravitaillement. Le reste est réparti entre les propriétaires des vaches, au prorata du rendement journalier en lait. Pour ce, on procède à 3 pesées du lait de chaque vache : fin Juin, Août, Septembre. Les pesées sont contrôlées par une commission spéciale.

En dépit de la faible production du lait en été (5 à 7 litres) chaque propriétaire touche tout de même en fin de saison, une douzaine de kilos de fromage par vache.

Les fromageries des alpages sont sommairement installées et pourvues d’un matériel rudimentaire.

La température est rarement convenable à la fabrication fromagère.

Il en est de même pour l’état hygrométrique de l’air.

Les principes de l’hygiène ne sont pas suffisamment respectés.

         Les locaux devraient être cimentés dans toutes les « vacheries » comme l’ont été ceux de la « vacherie du Siruol ». C’est avec grand profit que l’on accepterait une amélioration de l’outillage : les produits fabriqués seraient de bien meilleures qualité et conservation.

6 -Les Ovins :

Le mouton est une espèce qui est de moins en moins représentée à Roquebillière.

Il y a 50 ans, le troupeau comptait 360 têtes.

En 1944 : 120 têtes. Aujourd’hui : 25 têtes.

Comme dans toute la France, le cheptel ovin tend à diminuer ici, en raison du reboisement et des faibles superficies laissées incultes et surtout de la difficulté pour trouver des bergers (main d’œuvre qui se raréfie de plus en plus).

          Ces moutons appartiennent à une race locale constituée par de nombreux croisements demeurés plus ou moins mystérieux. Les races voisines italiennes par de nombreux caractères ont sérieusement marqué la race locale. Il est évident qu’en surveillant le choix des reproducteurs on pourrait améliorer les formes actuelles, mais cette sélection demande des connaissances que n’ont pas les paysans du pays. D’ailleurs, la question ne se posera plus dans quelques années, lorsque les derniers moutons auront disparu.

          En été, le problème de la nourriture est facile à résoudre : on les mène paître les herbages voisins de la « vacherie » de Férisson. En hiver, la solution est moins aisée. On garde les moutons dans la bergerie et on leur donne du fourrage. Les troupeaux ne sont pas assez importants pour les envoyer hiverner sur la côte, comme le font quelques propriétaires de Pélasque ou Loda de Lantosque.

          La tonte a lieu en Mai. Chaque bête donne 2 kg à 2 kg 500 de laine avec laquelle on confectionne des matelas et coussins pour l’usage familial.

 La chèvre rend de grands services l’été, lorsque les vaches sont à « la montagne ». Les 160 chèvres que compte le village, appartiennent par 2 ou 3 au même particulier.

          En été, elles sont groupées chaque matin en un troupeaux (La cabraïra) qui sous la garde d’un berger s’en va brouter l’herbe des pentes avoisinant le village. Le soir, chaque propriétaire (la femme en général) attend le retour des chèvres pour procéder à la traite qui donne 1 à 2 litres de lait.

 7-    Les Porcins :

          Bien que ses ressources alimentaires soient parfois relativement faibles, la famille paysanne s’arrange toujours pour engraisser 1 porc dans l’année.

          Les porcelets sont importés du centre de la France (Vienne, Creuse) par les soins de la Coopérative, ou achetés à des marchants les jours de foire. En Octobre, lorsque « vacheries » descendent, de petits porcs d’une soixantaine de kilos, engraissés pendant l’été avec le petit lait, sont vendus aux enchères.

Ils sont sacrifiés à la Noël ou à Pâques.

          Le logement des porcs laisse autant à désirer que celui des autres animaux. Les porcheries sont étroites, obscures, sales. Leur sol est presque toujours en terre battue et la litière n’est pas souvent renouvelée.

          L’alimentation est variée, mais pas toujours assez abondante ni assez riche. Aussi les résultats sont-ils plutôt médiocres. On tue à 80-90 kg. Quelques méthodistes réussissent des porcs de 120 kg.

          Le paysan ne sait pas tirer un bon parti de son porc. Il ignore la fabrication du saucisson et des saucisses. Il se contente des jambons, du lard et des boudins qu’il distribue aux parents et amis.

 8-    Les Maladies :

          A la basse-cour, au clapier, à la bergerie, à l’étable, à la porcherie, nombreuses sont les maladies parasitaires ou microbiennes qui déciment le bétail, les lapins et les oiseaux.

                    - A la basse-cour : le choléra, la peste, la diphtérie, les parasites.

                   - Au clapier : la coccidiose, la gale, les parasites.

                   - A la porcherie : l’entérite.

                   - A l’étable : la tuberculose, quelquefois la fièvre aphteuse.

          La plupart de ces maladies, dues le plus souvent à l’entassement des animaux dans des locaux exigus, insalubres, obscurs, seront vaincues par une meilleure conception et une hygiène plus rigoureuse de ces locaux.

          Le traitement des maladies et la lutte contre les parasites seront alors plus faciles et plus efficaces. On limitera les épidémies et leurs effets. Les moyens de désinfection eux-mêmes resteront lettre morte tant que les locaux auxquels on les applique ne seront pas judicieusement organisés. A ce point de vue, il est regrettable que lors de la reconstruction du village on ne se soit pas soucié de l’amélioration du logement des animaux.

          Lorsqu’un animal est gravement malade, on fait appel au vétérinaire de St Sauveur sur Tinée distant de 30 km. Conséquence : temps perdu dans l’attente du vétérinaire et cherté de ses services. De plus en plus aujourd’hui, on se rend compte de l’intérêt qu’il y aurait pour la vallée de la Vésubie, d’avoir un vétérinaire attitré. Installé au centre (Roquebillière ou Lantosque) il rayonnerait sur toute la région. Grâce à lui, bon nombre d’animaux seraient sauvés ! Par suite, il s’ensuivrait une amélioration sensible de l’élevage.

Souhaitons que l’Etat s’occupe de ce problème et favorise l’installation de vétérinaires dans nos montagnes.

 

 

 

 



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