Monographie agricole de Roquebillière établie de mars à juin 1948 par MATHIEU Emile - 06 Alpes Maritimes - France
Monographie agricole de Roquebillière établie de mars à juin 1948 par MATHIEU Emile - 06 Alpes Maritimes - France

 
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VI- UTILISATION DES PRODUITS

 

A        Produits utilisés à la ferme

         Les grains : blé, maïs, sont conservés en sacs dans des greniers ou dans une pièce disponible de l’appartement. (La maïs est conservé longtemps en épis). Ils sont moulus au fur et à mesure des besoins, pour alimenter les besoins de la consommation familiale.

         Les pommes de terre sont répandues en couches de 25 à 30 cm, sur les sols cimentés des granges ou des greniers, après triage des petits tubercules qui sont destinés aux animaux.

         Les fourrages sont répartis dans les fenils (les finières) des granges, généralement au dessus des étables. Quelquefois, les fourrages sont conservés en meules, en plein champ.

         Les légumes secs sont ensachés. Les fruits (surtout pommes et kakis) sont conservés au grenier, disposés sur des sortes de claies.

         Les jambons et le lard sont salés. Le beurre est fondu. Les fromages ne se conservent pas longtemps, car leur croûte s’épaissit bien vite et se fendille ensuite.

Les œufs sont consommés de suite après leur production. Au moment de la plus grande ponte (Avril Mai) une partie est vendue. Par contre, en hiver, on va parfois acheter des œufs à l’épicier. Il y aurait là, un avantage incontestable à mettre les œufs en conserve, lorsque la ponte dépasse la consommation familiale ;

 B        Produits vendus

         Les produits qui entrent dans cette catégorie, représentent un faible volume, en raison de la faiblesse de la production locale. L’excédent sur la consommation familiale n’atteint jamais un chiffre très élevé et la plupart du temps sert au ravitaillement des parents installés à la ville.

         En automne, les paysans tirent quelque argent de la vente de leurs fruits : pommes, poires, châtaignes, mais les vrais bénéfices sont réalisés par les acheteurs locaux qui sont revendeurs sur le marché de Nice. D’où, nécessité absolue pour les paysans, s’ils veulent faire cesser cette exploitation, de se grouper en Coopératives de vente, comme ils l’ont déjà fait pour le lait.

         A titre de simple indication, voici quelques cours d’achats et ventes, pratiqués lors de la dernière campagne (1947) :

                   Cerises :….achetés à Roquebillière ; Vendues à Nice : …

                   Haricots verts :

                   Pommes :

                   Châtaignes :

          Les 2 bouchers locaux achètent sur place les veaux, porcs, bêtes accidentées, les abattent, en vendent une partie à la population indigène et livrent le reste à l’alimentation de la ville.

          Le lait, qu’il soit collecté par la Coopérative ou par la Laiterie Privée, est expédié à la Centrale laitière de Nice à une cadence de ….. litres par jour.

          Les 2 scieries de Gordolon et du Vieux village expédient vers la côte de nombreux camions de planches débitées. Les menuisiers adressent à des « maisons » de la ville, des meubles ou autres objets qu’on leur donne à construire en série.

          En résumé, le commerce d’exportation du village est moins important que celui des importations (non loin de la balance cependant).

          Roquebillière achète sa nourriture, ses vêtements, ses outils, ses meubles, une partie de son bétail lors des foires.

          La consommation locale en valeur est donc légèrement supérieure à la production ; fait normal dans un pays qui compte autant de fonctionnaires et commerçants que Roquebillière, toutes gens qui ne produisent pas.

          Cette faiblesse de la production et par la suite des ventes vers l’extérieur, explique le médiocre état dans lequel végétaient les paysans avant la guerre. Il faut également se souvenir de l’abondance des marchandises qui obligeaient les cultivateurs de la montagne à se contenter de prix dérisoirement bas.

          Aujourd’hui, la raréfaction des produits sur le marché d’une part, le privilège d’être voisin d’une grande ville d’autre part, expliquent la facilité avec laquelle les paysans trouvent à écouler leurs produits surtout laitiers (beurre et fromage) à des prix relativement élevés, relevant parfois d’un marché plus ou moins parallèle. Conséquences logiques de cet état de fait, l’agriculteur mène une vie plus décente, moins monotone, et momentanément, le voilà corrigé de cette envie malsaine d’une vie urbaine devenue difficile.

 
 

VII- CONCLUSIONS

          Vivant dans une région reculée, accidentée, morcelée, dont les champs en terrasses n’offrent qu’une superficie cultivable réduite et d’accès difficile, nos paysans ont une tâche pénible et souvent ingrate. Nous souhaitons qu’ils s’instruisent et réalisent des améliorations qui faciliteraient leur travail et accroîtraient les rendements.

Une meilleure connaissance de leur sol et des exigences des différentes cultures leur permettrait d’employer plus judicieusement les engrais et de tirer tout le parti possible du fumier qu’ils produisent.

Une rotation plus rationnelle des cultures, un travail du sol plus complet, un choix plus averti des semences et des plants contribueraient aussi à donner des récoltes plus abondantes et de meilleure qualité. Ils auraient surtout intérêt à exploiter rationnellement leurs prairies pour en tirer le rendement maximum nécessaire à la nourriture d’un cheptel plus nombreux.

Mais il ne suffirait pas d’emplir les greniers ; il serait nécessaire aussi d’améliorer l’hygiène de l’étable et de tous les logements des animaux, en les agrandissant et en les aménageant de telle sorte que ceux-ci u trouve assez d’air, de lumière et de propreté.

Il faudrait enfin, pour augmenter la prospérité communale, étendre les vergers et bien entretenir ceux qui existent déjà. Partant de cette observation que le pommier est ici dans un milieu d’élection, le cultivateur tirerait de grands bénéfices de l’intensification de cette culture fruitière.

          Les conditions actuelles sont favorables à ces améliorations. Le paysan vit moins isolé et plus accessible au progrès et il se défait peu à peu de nombreuses et traditionnelles routines.

Actuellement, il est prêt à tout mettre en œuvre pour augmenter les rendements et il intensifie cultures et élevages.

Cependant il lui faudra encore un bon bout de temps pour se débarrasser d’un certain état d’esprit qui le rend rebelle à toute entreprise relevant de la solidarité. Il aperçoit mal encore les bienfaits de la coopération.

Si nos paysans se groupaient étroitement, s’ils s’entraidaient comme cela est coutume dans certaines régions, s’ils formaient des coopératives non seulement d’achat (il en existe déjà une) mais encore de vente, ils surmonteraient facilement les difficultés et défendraient mieux leurs intérêts.

Ils pourraient par exemple user d’un outillage moderne et d’un revient élevé, en se familiarisant avec la méthode de l’outillage collectif au sein de la coopérative (pulvérisateurs, poudreuses, pals), méthode qui a déjà servi à l’acquisition d’une batteuse, d’un camion 7 tonnes, de tout un matériel nécessaire au transport du vin.

On conçoit d’autant mieux ce système, que l’on connaît la faiblesse de la production locale presque entièrement absorbée par la consommation familiale.

Produisant peu, les paysans vendent peu. Leurs revenus pécuniaires sont donc réduits et ne suffisent pas à l’achat de tout ce dont ils auraient besoin pour vivre mieux et travailler plus facilement.

          Le morcellement excessif de la propriété, sa disposition en terrasses étroites, sa faible superficie cultivable, ne permettront jamais aux paysans de ce pays, d’obtenir des récoltes importantes.

Quand le commerce sera redevenu normal et libre, la concurrence appauvrira à nouveau les hautes vallées des Alpes-Maritimes qui ne peuvent rivaliser avec les régions plus favorisées par le relief, le climat et le sol.

Quelle que soit l’orientation prochaine de l’économie française, il est difficile de croire que les campagnes de cette belle vallée de la Vésubie connaîtront un jour une grande prospérité agricole et arriveront à se repeupler.

Seul le tourisme reste la grande richesse inexploitée, la mine d’or de l’avenir.

          Quant aux indigènes, il est probable que la ville exercera toujours sur eux, son attraction puissante et un peu mystérieuse ; et, bien qu’il soit possible d’améliorer le confort de la vie paysanne et de lui apporter des distractions nouvelles, l’appât du gain facile restera sûrement le plus fort. Regrettons cet état de fait et espérons que cet irrémédiable exode ne s’accomplisse qu’avec une extrême lenteur.

Enseignons que la vie dans cette campagne si pittoresque ne manque ni de charmes, ni d’avantages, qu’elle est saine et la plus propre à tremper l’homme et entretenir les qualités de la race.

Aimons les cultivateurs de ce terroir : ils méritent qu’on s’intéresse à eux et qu’on les aide.

Favorisons leur union, facilitons leur existence et leurs entreprises.

Montrons leur l’importance de leur labeur.

Ce sera déjà pour eux un encouragement précieux. Ils aiment naturellement leur terre et lui resteront encore pour longtemps fidèles, s’ils peuvent la travailler avec goût et aisance, et s’ils trouvent enfin dans leur campagne les satisfactions qu’ils sont en droit d’en attendre…

 

                                                     Roquebillière les mois de Mars-Avril-Mai 1948         Emile MATTHIEU

 

 

 

 



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